Les jeunes des Premières Nations se familiarisent avec notre culture en passant beaucoup de temps à regarder et à écouter les Aînés, à la maison ou à l’occasion de rassemblements ou de cérémonies. Au fil du temps, nous apprenons qui nous sommes, et nous découvrons notre place dans ce monde. Chaque génération transmet ces enseignements importants à la suivante, par l’exemple et par le bouche-à-oreille. C’était comme cela dans le passé. C’est encore comme cela aujourd’hui. C’est ce que l’on entend par « traditions orales ».
James Lamouche définit la tradition orale comme « la transmission du savoir de génération en génération par la mémoire et la parole ». (Entretien personnel, 2005.) La mémoire, les expériences vécues et la parole convergent pour donner naissance à des histoires, des mythes, des légendes et des chansons. À travers ces créations, nous apprenons des choses sur notre passé, notre présent et notre avenir. Nous devons connaître et comprendre ces choses pour pouvoir ensuite transmettre la sagesse fondamentale à la génération suivante.
Nos nations ont perdu beaucoup de leurs connaissances et de leurs langues traditionnelles. Dans de nombreuses familles, d’importants liens entre les générations ont été brisés lorsque les enfants ont été contraints d’aller dans des pensionnats. Là-bas, il leur était interdit de parler leur langue et de pratiquer leurs traditions culturelles. De nombreux Aînés traditionnalistes ont rejoint le monde des esprits, emportant avec eux tout ce qu’ils connaissaient et avaient vécu. La société et la culture ont également changé. Les façons dont nous apprenons, pensons, parlons et vivons sont différentes de celles de nos ancêtres.
Aujourd’hui, nous avons de nouvelles façons d’apprendre des facettes de notre histoire et de notre culture. Nous pouvons lire dans un livre d’histoire, regarder la télévision, louer un DVD ou effectuer une recherche sur Internet. Cependant, notre source de connaissances la plus précieuse demeure nos Aînés, qui ne demandent rien de mieux que de partager leur sagesse et leur expérience. Il nous suffit de le demander respectueusement, et ils partagent ce qu’ils savent. Le présent projet rapproche les anciennes façons de faire et les nouvelles.
À propos de l’auteure
Tan’si Lana Whiskeyjack n’tsikason ohci niya, Premières Nations de Saddle Lake. Ninehiyaw, je suis une Crie. Ma mère est Pearl Cardinal, membre de la Première Nation de Saddle Lake, et mon père, Harley Cardinal, vient de l’établissement métis Elizabeth, en Alberta. Je tiens à souligner que je ne suis qu’une des nombreuses personnes autochtones qui écrivent au sujet des mythologies des Premières Nations du Canada entourant les tambours. Nos histoires reflètent le foisonnement de cultures et de paysages de ce pays. Cependant, j’estime que le partage de ces histoires est important, car il favorisera la prise de conscience culturelle et interculturelle et il permettra d’informer à la fois les Autochtones et les non-Autochtones. Tout ce que je peux partager, c’est ce que je sais en tant que femme crie. Mes connaissances sont basées sur les histoires et les enseignements que m’ont transmis de nombreuses grands-mères et de nombreux grands-pères de différentes nations.
Dédicace
Il est important de rappeler les responsabilités associées à l’acquisition des connaissances, en particulier dans le cas des connaissances qui sont transmises, même si elles sont acquises au moyen de textes. Ainsi, je vous offre ce que je sais en espérant que vous saurez respecter ces connaissances et les partager avec d’autres. Lana Whiskeyjack
Histoire personnelle : ma nohkom
Pendant une brève période, j’ai vécu avec Nohkom (ma grand-mère), qui m’a transmis ses enseignements à travers ses expériences du quotidien. Je ne savais pas, à ce moment-là, que j’étais en train d’« apprendre ». Je ne l’ai compris que bien plus tard. Par exemple, avant que nous partions pour de longues promenades dans les bois, Nohkom disposait du thé et du bannock sur la table au cas où des visiteurs entreraient dans la maison sans que nous soyons là pour les accueillir. Elle disait que nous devons toujours nourrir les gens, même si nous n’avons nous-mêmes que très peu, car le Créateur pourvoira toujours à nos besoins. Après avoir mis la table, tasses et ustensiles inclus, nous partions pour notre promenade. Lors de nos promenades, Nohkom m’expliquait toujours quelque chose à propos de chaque animal que nous croisions, ou nous jouions à deviner à quel animal appartenaient les traces ou les excréments que nous apercevions. Elle racontait des histoires drôles et des légendes qui parlaient d’animaux ou de « petites personnes ».
Nous marchions jusqu’à une clairière où Nohkom avait installé des poteaux pour tendre ses peaux. Pendant qu’elle raclait les peaux, elle racontait des histoires de chasse et expliquait comment les personnes âgées parlaient aux animaux. Le temps filait sans même que je réalise qu’elle m’enseignait des choses.
Le soir venu, le thé et le bannock avaient disparu, et quiconque avait bu et mangé avait laissé de la viande de lapin dans le réfrigérateur. Elle bénissait la nourriture qu’on nous avait donnée en procédant à une purification à l’aide de fumée. Je souriais toujours à la vue de ses pouvoirs magiques. C’est comme cela que j’apprenais. Mes expériences auprès de Nohkom m’ont beaucoup appris au sujet de notre peuple et de notre mode de vie.