Les peuples inuits placent souvent l’Être suprême, appelée Sedna, comme figure centrale de leur mythologie. De nombreux mythes l’entourent, mais les gens la considèrent généralement comme la créatrice de la vie, des animaux et des légumes. Dans son étude phare, The Central Eskimo (publiée pour la première fois en 1888), Franz Boas a expliqué l’importance que ces peuples accordaient aux fêtes étroitement liées à leur mythologie, dans lesquelles les gens chantaient et dansaient au son du tambour. « En été, les fêtes sont célébrées en plein air, mais en hiver, elles ont lieu dans une maison appelée qaggi… soit une “maison de chant”, construite à cet effet. » (Boas, 1888/1964 : 192.) Lors de ces fêtes, on interprétait des chansons et des histoires liées à Sedna. Franz Boas décrit une telle fête consacrée à Sedna et à ses mythes chez les Akudnirmiuts de la baie Cumberland :
« Lorsqu’il fait passablement nuit, un certain nombre d’Inuits sortent de leurs huttes et crient en pleurant tout autour de leur village. Partout où une personne dort, ils montent sur le toit de sa hutte et la réveillent… Puis une femme et un homme (le mirqussang) s’assoient dans la neige. L’homme tient dans sa main un couteau (sulung) qui a donné son nom à la fête, et il chante
Oangaja, jaja jajaja aja
Pissiungmipadl:
o panginejernago
Qodlungutaokpan panginejerlugping
Pissiungmipadlo panginejernago
Tout au long de cette chanson, la femme marque le temps en bougeant son corps et ses bras, tout en projetant de la neige sur les spectateurs. Ensuite, toute la compagnie se rend dans la maison de chant pour danser et chanter. Une fois cela fait, les hommes doivent quitter la maison et rester dehors pendant que le mirqussang surveille l’entrée. Les femmes continuent de chanter et quittent la maison, une à une. Elles sont attendues par le mirqussang, qui conduit chacune d’elles à l’un des hommes debout. Chaque couple doit rentrer dans la maison de chant et marcher autour de la lampe. Tous les hommes et les femmes crient : “Hrr! Hrr!” Des deux coins de la bouche… Cette fête est célébrée fréquemment par toutes les tribus de Davis et du détroit d’Hudson. » (Boas, 1888/1964 : 200-201.)
Comme dans l’histoire de Hiwatha présentée plus haut, il arrive souvent que certains personnages décrits dans les mythes, les légendes ou les histoires interprètent des chansons. C’est ce qu’on appelle une fable de chant.
Par exemple, Franz Boas a déclaré à propos de la tradition inuite : « De nombreuses traditions sont racontées sous une forme très abrégée, la substance étant censée être connue. On en retrouve un exemple dans les récits entourant Sedna. Tous ces récits doivent être considérés comme des récitatifs, bon nombre d’entre eux commençant par une phrase musicale et se poursuivant sous forme de récitation rythmique, d’autres étant complètement récités sous forme de phrases rythmiques. D’autres histoires traditionnelles sont racontées de manière plus détaillée et plus prosaïque, et des chansons ou des récitations… sont parfois incluses. » (Boas, 1888/1964 : 240.)
Les récits rassemblés par les ethnologues, les anthropologues, les musicologues et les agents des gouvernements nous donnent une idée de la grande diversité des traditions de narration. Ces personnes ont également joué un rôle important dans la préservation des récits oraux et dans la sensibilisation à leur importance. Les exemples donnés plus haut ne constituent qu’un petit échantillon de la myriade de mythes à contenu musical.