Luke Arna’naaq évoque différents formats de tambours dont il tire le souvenir de son enfance :
« Je me souviens avoir vu des tambours de différentes tailles. Ils étaient presque identiques, sauf que les plus gros tambours semblaient surdimensionnés. Sur les plus petits tambours… on avait étendu des peaux de faons… Les tambours étaient ainsi conçus, avec les manches légèrement inclinés et décentrés… Les tambours se retrouvaient en déséquilibre. Le dessus des tambours tend à “tomber”, tandis que le dessous, plus léger, tend vers le haut. Le manche était disposé ainsi pour éliminer la tension, pour les danseurs qui tentaient de maintenir le tambour en équilibre pendant qu’ils en battaient. Les tambours ainsi conçus sont étonnamment faciles à manipuler…
Les peaux ne comportaient absolument aucun trou. Chaque fois qu’il y avait un petit trou dans une peau, on le réparait immédiatement en cousant un morceau de peau par-dessus. Les peaux de tambours étaient extrêmement minces. Ainsi, les rustines devaient également être très fines. La peau du tambour devait être détrempée pendant tout le temps où elle était utilisée. Le katuk, ou baguette de tambour, était enveloppée dans deux couches de peaux de caribou épilées pour empêcher que le tambour fasse trop de bruit. De cette façon, le son de battement était beaucoup plus agréable à écouter. Autrefois, il était difficile d’émettre un son de tambour, car la baguette était recouverte d’une double couche de corde enroulée, ce qui rendait la surface de la baguette passablement douce.
Il arrive parfois que la peau d’un tambour doive être réétirée. On nous demande alors d’appeler les voisins pour qu’ils viennent nous aider à l’étirer… Une fois que la peau a été réétirée, le son obtenu est meilleur, car la peau est fermement ajustée autour du cadre du tambour et toute sa surface est très tendue… Une fois l’excès de tissu enlevé, la peau est très fine. Le cadre est en bois.
Chaque personne a son propre style de mouvements de danse au tambour… Certains ne font pas de flexions du genou… Ils restent sur place. D’autres se déplacent en cercles sans jamais émettre un son… Certains sont très bons dans leurs mouvements… Ils réalisent un gracieux va-et-vient. (Arna’naaq, 1987 : 13.)
Comment confectionner un qilautik
Trouvez une peau de faon de caribou (isiq) sans trous… Submergez-la dans un étang, les poils vers la surface. Ce procédé est appelé immittiaq… Laissez la peau immergée pendant quelques jours, et faites des contrôles périodiques pour vérifier si les poils sont prêts à tomber. Une fois que toute la peau est bien trempée… retirez-la de l’eau et enlevez tous les poils… [Si le cadre n’est pas prêt à accueillir la peau], faites sécher la peau en la fixant au sol. Les piquets de séchage doivent passer par des trous de 1,5 mm pratiqués tous les 15 mm tout autour du bord de la peau… [Laissez] environ 2 mm d’espace entre la peau et le sol afin que l’air circule librement et que la peau sèche uniformément et rapidement… À partir d’un tendon de caribou, tressez la longue lanière qui sera utilisée pour attacher la peau au cadre du tambour… [Cette lanière] doit pouvoir faire trois fois le tour du cadre.
Trouvez un morceau de bois de chêne et coupez une bande d’environ 3,5 mm de large, de 1,5 mm d’épais et de 2,5 m de long pour former le rebord du tambour. [Amincissez-la à l’épaisseur désirée. Rainurez la surface extérieure, le long du centre, de manière à pouvoir insérer le tendon tressé qui maintiendra la peau tendue sur le cadre.]… Coupez un morceau coudé d’environ 14 mm de long à chaque extrémité de la bande, de manière à ce que le rebord ait l’air égal, à l’endroit où les extrémités se chevauchent.
Remplissez une grande casserole d’eau et portez-la à ébullition. Trempez la bande de chêne [ou autre essence] dans l’eau bouillante et pliez-la progressivement en maintenant la rainure à l’extérieur jusqu’à former une boucle parfaite. Recouvrez chaque extrémité sur une longueur de 14 cm et percez deux trous dans la section où les extrémités se chevauchent, à l’endroit où le manche sera posé. À cette étape, vous pouvez installer un manche [ipu] sur le rebord. Coupez un morceau de bois d’environ 30 mm de long, arrondissez-en tous les coins et fixez-le au rebord avec une lanière de tendon tressé. Vous aurez besoin d’un outil, appelé ipjuutaq, pour tendre la peau au-dessus du rebord du tambour. Pour fabriquer cet outil, coupez un morceau de bois d’environ 30 mm de long et 2 mm de diamètre, pointu à une extrémité… [La peau] doit être complètement trempée avant de pouvoir être étirée sur le rebord du tambour. On utilise le kitikkiut, un tendon d’une certaine épaisseur et d’une certaine résistance, pour fixer la peau sur le cadre du tambour. On fixe le bout du kitikkiut au manche. Ensuite, on le tend fermement trois fois autour du cadre et on le fixe à nouveau au manche.
Le prochain article dont vous aurez besoin est une baguette de tambour, ou katuk. Il s’agit d’un morceau de bois d’environ 35 mm de long et 5 mm de diamètre. L’extrémité du manche est sculptée sur toute sa circonférence. On laisse environ 2 mm, au bout, pour empêcher la baguette de glisser de la main. » (Anon., 1987a : 14-16.)
Une fois que l’artisan l’a terminé, le tambour inuit accompagne les chants traditionnels.
Les chants traditionnels, ou pihiit, se déclinent en plusieurs genres, certains « appartenant » aux hommes et d’autres aux femmes. Il existe des règles à suivre lors de la composition d’un pihiq, comme le hama et le qamna, ou l’aninaa, réservé au pihiit de femmes. Ces trois sont les principaux. On en compte plusieurs autres : uvangaa (« je » ou « moi »), avanii (« ici »), una (« cela »), mannaat (« cette situation »), avvaa (« là-bas »), ajaaja, pangmaa (« quelque part dans les terres »), immaa (« écoute »), amnaa (« cela, là-bas ») et qangmaa (en référence à l’effet de l’espace ouvert ou de l’extérieur).
Le pihiit contient toutes sortes de paroles portant sur des animaux et des outils. La personne qui mène le chant est appelée akkijuq. Lorsqu’elle remarque que quelqu’un est prêt à danser au son du tambour, elle entonne la première un pihiq, puis les autres se joignent à elle pour chanter à l’unisson. Les imngiqtut sont des gens qui chantent à voix haute et à l’unisson le pihiq de quelqu’un d’autre. Le terme imnglinnaqtuq désigne une personne qui exécute seulement la chanson d’une danse de tambour : cette personne se tient debout au milieu des chanteurs, le tambour et la baguette à la main, mais ne produit pas les battements de tambour et n’exécute pas les mouvements de corps habituels. Cette personne chante un pihiq toute seule, en tapotant légèrement le tambour une fois de temps en temps, tandis que les autres écoutent et essaient d’apprendre son pihiq. Quand une personne chante un pihiq (sa chanson personnelle ou celle de quelqu’un d’autre) de manière audible afin que les autres l’entendent, c’est qu’elle tente de l’enseigner (ilisaijuq) à d’autres. Les interprètes de danses de tambour parviennent généralement à un point où ils sont émotifs ou excités au point d’émettre un son particulier appelé nipjiqtiqtuq.
Cela peut parfois survenir pendant les premières étapes de la danse, mais de manière peu fréquente et non agressive. Chaque danseur a sa propre manière de produire le nipjiqtiqtuq et, ce faisant, il communique son enthousiasme ou sa joie… La danse de tambour vigoureuse s’appelle nallau’jijuq, qui signifie « se coucher avec le tambour », et elle est généralement exécutée par les hommes. (Anon., 1987 b : 18.)