Flûtes

Les Premiers Peuples ont également créé une grande diversité d’instruments à vent, du brin d’herbe tenu entre les pouces aux flûtes complexes à embouchure terminale et aux flûtes traversières occasionnelles. On appelle généralement « sifflets » les instruments dont chacun des tubes creux ne produit qu’une ou deux fréquences. Par exemple, parmi les communautés sioux et les autres cultures qui pratiquent les cérémonies de la danse de la Soif ou de la danse du Soleil, chaque danseur masculin porte généralement un sifflet en os d’aigle autour du cou. Il siffle dans ce sifflet pour encourager les musiciens et augmenter son endurance à certains moments des cérémonies. Les Sioux ont aussi fabriqué des sifflets faits de longs tubes de bois de frêne produisant une seule note aiguë. (Hassrick, 1964 : 146.) L’Élan-Rêveur ou le Rêveur de la Double Femme portent souvent de tels sifflets.

Les gens utilisent également des sifflets en conjonction avec des tambours, comme en témoigne cette description des pratiques médicinales de Chapeau-d’Ours :

« La femme de Chapeau-d’Ours fit appel à sept hommes et à sept femmes mariées toujours sans enfant, tous des chanteurs ayant une bonne voix. Les hommes s’essayèrent en une rangée vers le centre de la loge, face au nord, et les femmes s’essayèrent derrière eux. L’homme assis à la tête prit le tambour peint en jaune de Chapeau-d’Ours sur lequel était dessinée l’image du courlis. Après avoir pris le tambour peint en jaune des mains du chanteur principal, l’épouse de Chapeau-d’Ours s’assit près de la porte, puis se mit à frapper très vite sur le tambour et à souffler dans son sifflet peint en jaune, en émettant quatre sifflements forts et rapides à la fois. Après quatre coups rapides sur le tambour, elle commença à battre lentement sur le rebord, en chantant sa chanson sans mots.

Les chanteurs, hommes et femmes, qui n’avaient jamais entendu cette chanson auparavant, l’apprirent rapidement. La femme de Chapeau-d’Ours rendit le tambour aux chanteurs principaux, et tous chantèrent d’une seule voix. Les femmes étaient particulièrement douées, côté voix. La femme de Chapeau-d’Ours déploya sa robe avec ses bras, puis elle mima des battements d’ailes tout en soufflant dans son sifflet. Puis elle laissa tomber le sifflet de sa bouche et mit des mots dans sa chanson : « Homme, assieds-toi. Homme, assieds-toi. » (Hungry Wolf, 1977 : 178.)

George Catlin raconte que les gens fabriquaient un sifflet de guerre de 15 ou 23 cm de long, toujours à partir d’un os de patte de cerf ou de dinde. Un chef ou un meneur de groupe portait de tels sifflets au combat, suspendus à son cou. Les sifflets de guerre produisaient deux notes. À partir de l’un des bouts, la note aiguë qui s’échappait était un signal de combat. À partir de l’autre bout, l’instrument rendait un ton plus doux qui annonçait une retraite (1844/1965 : 242.)

Les communautés sioux ont appelé « grosses flûtes tordues » leurs instruments à vent à embouchure terminale à sons multiples. Seuls les hommes qui avaient vu le bison en rêve pouvaient les fabriquer. Pour confectionner les flûtes, les artisans utilisaient des moitiés de branches de cèdre cannelées, les collaient ensemble et les attachées à l’aide de minces languettes de cuir brut. Ces flûtes comportaient cinq trous pour les doigts et « un évent recouvert d’un bloc réglable en forme de cheval sans tête, pour changer de hauteur de ton ». (Hassrick, 1964 : 146.) Les rêveurs peignaient chaque orifice en rouge. Ces flûtes étaient inefficaces si ceux qui les avaient fabriquées n’étaient pas de véritables rêveurs de bison.

George Catlin décrit cette flûte à bloc externe des Plaines comme une « flûte en peau de cerf, une flûte de courtoisie winnebago, ou une tsal-eet-quash-to » (1844/1965 : 242.) Il explique qu’elle pouvait compter quatre ou six trous pour les doigts, voire parfois seulement trois.

Richard Payne fournit une description détaillée de la fabrication d’une telle flûte :

La flûte des Plaines peut être constituée de n’importe quel matériau tubulaire dont la cavité et la rigidité conviennent, ou de tout matériau solide pouvant être travaillé pour obtenir les dimensions souhaitées… [Ceci inclut] les tuyaux en métal et en plastique… les tuyaux en acrylique, les cannes, les roseaux, les tiges et divers bois indigènes ou exotiques. … On choisit un bois mou, à grain droit et susceptible de se fendre de manière prévisible le long du grain. Le genévrier (« cèdre rouge indigène ») satisfait très bien à ces critères. … Bien que le bois de genévrier indigène soit tendre, fragile et noueux et qu’il gonfle à l’humidité (hygroscopique), une fois que son traitement est terminé, il devient fort et résistant à la fissuration ou à la détérioration et son apparence s’améliore avec l’âge…

Si l’on souhaite revenir à « l’ancienne manière », on choisit une branche de genévrier assez droite et on la coupe pour obtenir une longueur correspondant à la distance entre l’aisselle le bout des doigts tendus. La cavité de la flûte correspond à l’épaisseur de l’index. Le bord du son est marqué à la hauteur du pli du coude. La longueur de la chambre à air supérieure ne joue pas un rôle crucial, mais elle ne doit pas dépasser la longueur nécessaire pour que le joueur puisse étirer confortablement le bras pour boucher les trous.

Pour obtenir une flûte de ténor traditionnelle des Plaines aux proportions plus exactes… on prépare une billette de bois de 58 cm de longueur et de 3,8 cm carrés et on la fend avec soin à l’aide d’une grande lame enfoncée légèrement le long du grain. Les deux moitiés sont ensuite évidées à l’aide d’un couteau ou d’un ciseau jusqu’à l’obtention d’un demi-cercle d’environ 2,2 cm de diamètre. On laisse une section non découpée d’environ 1,3 cm de long, à 41 cm de l’extrémité distale. … Après avoir raclé les résidus jusqu’à l’obtention d’une surface lisse et symétrique, on replace les deux moitiés en parfaite apposition de manière à ce que la cavité soit parfaitement ronde, sans intrusions sur les bords. On utilise une colle puissante résistante à l’eau (époxy) pour fixer les moitiés ensemble de manière à ce qu’elles soient étanches à l’air. On découpe le conduit et l’évent à chaque extrémité de la barrière, et on perce ou on brûle les trous pour les doigts et les trous d’évent dans la chambre de tonalité. Certains préfèrent réaliser ces étapes avant de rassembler les segments. Le cadre de la fenêtre est biseauté vers le bas à un angle d’environ 20 degrés. Il est plus facile de réaliser ce biseautage avant que les moitiés soient rassemblées. On creuse tout simplement le perchoir à l’aide d’un couteau plat, et on utilise parfois une lime plate pour la finition. On s’efforce de lisser et de raboter avec précision afin de rendre cette plate-forme plate, de manière à ce qu’une fois assemblés, l’oiseau, le nid et le perchoir soient étanches.

La régulation du débit d’air à travers la flûte est importante… En général, plus la chambre à air est longue, plus la flûte réagit lentement, mais plus le son oscille, en raison de l’accroissement de la compressibilité du volume d’air accru… La taille du trou pour la bouche (embouchure), 6 mm de diamètre, est calculée pour bloquer légèrement l’entrée d’air. Il s’agit là d’un mécanisme supplémentaire pour aider à la production du « cliquetis » multiphonique sur le ton.

La fenêtre produit des effets variables selon ses dimensions : une fenêtre étroite favorise un son pur avec des harmoniques réduites, tandis que son élargissement favorise des tons plus « chauds » et plus diffus. Le raccourcissement de la fenêtre favorise les harmoniques supérieures, mais étouffe le ton; l’allongement améliore le registre inférieur. Plus la surface de la fenêtre est grande, plus le joueur doit expirer d’air… Dans la configuration du perchoir, du nid et du plancher de l’enceinte, il est particulièrement important d’obtenir des jonctions étanches pour éviter la perte d’air et le bruit des fuites d’air… Grâce à leur légère impédance au souffle et à des tolérances très proches à l’efficacité du flux d’air, il est possible de confectionner des flûtes des Plaines capables de supporter une respiration cyclique, en particulier si le trou pour la bouche est suffisamment étroit. Bien que les surfaces des passages d’air doivent être scellées pour empêcher le scellage du bois, il est préférable de permettre un peu d’absorption sur le bord du son pour empêcher l’accumulation de gouttelettes d’humidité…

On dégage généralement le bord du son vers le bas afin d’obtenir un angle assez abrupt… Le déflecteur (nid) peut être constitué de divers matériaux, comme du papier, du bois mince ou divers métaux coupés à la taille et à l’épaisseur appropriées… L’épaisseur du nid peut varier en fonction de la taille de l’évent et de la fenêtre, bien qu’en général elle soit d’environ 304,8 µm d’épaisseur. Pour obtenir plus de hauteur, il faudrait plus d’air provenant de la respiration, et cela aurait tendance à diriger le flux d’air trop haut sur le bord du cadre. … Le « pas » est la relation entre la lame d’air émergente et le bord du cadre. Si le pas est trop petit (l’air frappe trop haut), le son est pur et doux, mais manque de profondeur; s’il est trop grand, le son est essoufflé et diffus, il manque de concentration et il a tendance à dépasser l’octave trop facilement… La forme générale du déflecteur (qui, peu importe ses caractéristiques, est communément appelé « oiseau ») servait à la fois à identifier l’artisan qui avait confectionné la flûte, ses rêves ou peut-être sa tribu. Aujourd’hui, cet « oiseau » tend à prendre différentes formes résultant d’une création artistique… On a le choix de couper une empreinte ou un conduit dans l’extrémité distale de l’oiseau (canalisation) qui agira comme un « bouclier » pour les aspects latéraux de la fenêtre. Ces projections, comparables aux oreilles d’un tuyau d’orgue, servent à canaliser le flux d’air vers le bord du son et à le protéger des courants d’air extérieurs. La canalisation du flux d’air tend à amplifier le son tout en lui donnant un aspect quelque peu vigoureux, ce qui est important pour améliorer le brouillage multiphonique turbulent de la note tonique…

L’uniformité et le lissage de la cavité intérieure, ainsi que l’épaisseur de la paroi de la chambre de tonalité, sont particulièrement importants pour la disposition des trous de tonalité, si l’on souhaite obtenir une échelle prévisible et agir sur la résonance et la réaction aux nuances de tons. Les opinions varient quant à la mesure dans laquelle les parois intérieures de la cavité doivent être scellées… On scelle l’intérieur et l’extérieur de la flûte en la trempant dans de la cire d’abeille chaude généralement diluée avec de l’huile minérale, une solution à l’époxy diluée ou divers vernis, laques ou huiles…

La dimension des trous des doigts est importante, car les petits trous contraignent le flux d’air, alors que les très grands trous sont difficiles à couvrir efficacement. La largeur à privilégier pour les trous des doigts dépend dans une certaine mesure de la taille des phalangettes du joueur, mais ces trous doivent être suffisamment larges pour permettre de jouer sur l’aperture pour produire des demi-tons. On peut moduler la taille des trous de notes et leur espacement… Les trous d’évent sont… facultatifs. Ils contribuent beaucoup à l’aspect de la flûte et ils permettent d’ajouter des appendices distaux de nature décorative ou totémique. (Payne, 1999 : 42-48.)

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